Je n’y arrive pas.
J’ai beau connaître l’histoire, j’ai beau l’avoir vue de mes yeux, l’incompréhension est toujours là. Le dégoût inonde toujours ma bouche. J’ai toujours en moi cette rage contre eux. Mais aussi et surtout pour les autres. Les victimes. Les oublier serait les mettre à terre et les tuer une seconde fois. Alors à ceux qui me disent que repenser à l’histoire passée ne sert à rien, je réponds « Pense ainsi et l’histoire se répètera. Oublie les, et tu seras un des leurs ».
Rafle du Vél’d’Hiv. 16 et 17 juillet 1942. 12884 juifs (dont 45% de femmes et 32% d’enfants). Un palais des sports. 4500 policiers français. Pas des allemands. Des français. Un ordre : les juifs étrangers ou apatrides doivent être arrêtés. Les femmes et les enfants surtout sont censés être épargnés.
Mais rien ne se passe comme prévu. Certains policiers prennent leur ouvrage tellement à cœur. Peut-être veulent-ils recevoir une tape sur l’épaule de l’autre malade à moustache ? Ils embarquent les enfants. Les enfants nés en France. Ils les parquent dans des gymnases, des écoles… Jusqu’à les entasser, comme des bêtes, dans ce fameux vélodrome. Ils y restent pendant 5 jours. Sans rien à manger. Sans rien à boire. La promiscuité. L’hygiène inexistante. Les bébés qui hurlent. Les sanitaires absents. L’interdiction de communiquer avec l’extérieur.
Et puis leur « délivrance » est enfin arrivée. Ils sont tous embarqués puis conduits dans les camps du Loiret, dit camp de transit.
Non messieurs, dames, ceci n’est pas la fin. Ce n’est qu’une prémisse de ce que sera votre enfer. Retirez vos lunettes de soleil. Devant vos yeux maintenant, ne se dressera qu’un long tunnel noir où la seule issue est la mort. Dans des conditions innommables, ils sont ensuite envoyés dans le camp de Drancy où seulement quelques malheureux sortiront vivants.
Je ne peux pas dire « chanceux ». Comment qualifier ainsi des personnes qui devront tout le reste de leur existence, vivre avec ces images horribles dans la tête ? Comment croire encore en l’humain après avoir été la victime des crimes les plus atroces possibles ? Comment faire encore confiance à quiconque après avoir été vendu par son voisin ?
La rafle du Vél’d’Hiv n’est pas connue. Pourquoi en effet parler d’un évènement dans lequel l’état français est totalement responsable ? Pourquoi apprendre aux écoliers comment les bons soldats français ont détourné les ordres et fait encore plus de mal que prévu ? Comment leurs faire avaler que quelques-uns, ce jour-là, se sont comportés en véritables nazis ?
La France a honte de ce passage sombre de l’histoire. La France n’assume pas.
J’ai mal pour elle. Je pleure pour elle. J’ai la haine pour elle. Accepter et reconnaître ses erreurs, c’est aussi promettre de ne plus les refaire.
Il aura fallu attendre 1995 pour qu’un président ose reconnaître « que ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'Etat français ». Merci Jacques Chirac.
Non, vivre dans le passé ne fait pas avancer les choses. Mais oublier c’est tolérer. Et comment admettre qu’une telle horreur puisse exister ? Comment ne pas avoir la gerbe ?
Des larmes de sang roulent sur mes joues.