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Aujourd’hui, je n’ai pas envie de me lever.
Aujourd’hui, je n’ai pas envie de travailler.
Aujourd’hui, je n’ai pas envie de te parler.
Aujourd’hui, j’ai décidé d’être une vraie chieuse. Une vraie chipie. Une vraie fille.

Je mets un pied hors du lit et je ressens l’ambiance de la journée qui s’annonce.
Envie de se la jouer peste.
Tout un rituel s’impose. Une mise en condition. Des pensées acérées. Des yeux de lynx. Une vision qui détaille et fusille.

Une fois préparée, je monte en voiture. Je démarre et…
Le départ est donné.

Au premier ralentissement…
« Mais oui, tu as raison, on sait jamais, un escargot pourrait traverser ! »
Le feu est vert. Rien ne se passe.
« Mais tu attends quoi ? Le déluge ? Allez, on avance, deux de tens’ »
La tension commence à monter. C’est ça qui est bon ! C’est la condition sine qua none pour un résultat optimal.

Mes yeux vont de gauche à droite. Puis de droite à gauche. Mon regard est à l’affût. A l’affût de ma prochaine cible. L’avantage d’être en voiture : pouvoir dire tout ce que l’on veut, sans que personne n’entende.
« T’as oublié de mettre le bas aujourd’hui ? »
« Et toi, tu penses pouvoir te permettre de porter ça ? »
« Sérieusement, t’as quel âge ? Où sont tes parents ? Ils te laissent sortir comme ça ? Pouah, une honte. »

J’arrive à destination. L’échauffement a fait son effet.
Prochain but : bien choisir son allié. Il faut généralement une personne plus ou moins de confiance. Que l’on sait réceptive à l’humour taquin, à la langue de vipère.

« Tu as vu la nouvelle ? Mais elle se prend pour qui ? Pour la fille de la reine mère ? »
« Non mais tu l’entends ? Elle est allée à l’école ou pas ? »
« Mais tu as vu son pantalon ? Comment le voir, on ne voit que son string noir. Elle a cru que c’était journée Batman a des problèmes d’argent ou quoi ? »
Et la journée passe. Dans le même rythme. Une cadence bien huilée. Un certain nombre de kilomètres au compteur qui facilitent la mise en place. Dans ces conditions, les heures sont moins longues.

17h. Grisée d’une journée pleine de critiques en tout genre, forte d’un sentiment de puissance, la démarche est chaloupée, la tête est relevée, les yeux sont plissés, ce qui donne l’impression d’une attitude pleine d’assurance.
Retour au bercail. La journée doit se terminer en apothéose. Ici, entourée des siens, entourée du sien, on peut s’abandonner complètement.
« Tu as passé une bonne journée ? »
Cette question inoffensive résonne encore dans mes oreilles, que je lâche déjà les chiens. C’est la débandade.
« Ma journée ? Elle aurait pu se terminer en beauté oui si au moins la cuisine était propre. T’as acheté le pain j’espère ? Non, parce que moi ça m’est égal de pas en manger, mais comme toi tu as un souci avec cet aliment si peu nourrissant, et, en plus, complètement anti diététique… Et puis, j’ai pas envie de faire à manger de toutes façons. Tu pourrais m’aider de temps en temps. T’as faim ? T’as qu’à te faire cuire un œuf. Et ces chaussettes là ? Il y a un tiroir transparent sur le sol ? Ha excuse-moi, je ne l’avais pas vu… C’est comme… »
« Whow whow whow, on se calme là ! Tu as vu comme tu t’excites ? Tu t’entends ? Tu as oublié de prendre tes cachets ce matin ? Calme-toi ou je te remets la muselière. »

En un clin d’œil, mon assurance est étalée sur le sol… Vous êtes sérieux les gars ?
La journée avait pourtant si bien commencé…

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